Outcast Reboot HD, analyse d'un échec en demie teinte

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Rédigé par Seldell, publié le 23/05/2014, modifié le 26/05/2014
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Présenté début avril, Outcast Reboot HD est la mise à jour d'un titre d'une quinzaine d'années avec des graphismes en voxel. Ayant racheté la licence, le studio Fresh 3D souhaitait remettre au goût du jour ce premier épisode, et pouvoir dans la foulée enchaîner sur une suite. Comptant sur un Kickstarter pour se financer, celui-ci a échoué vis à vis de son objectif, mais a tout de même atteint une belle somme.

Sur 600 000 dollars espérés, "seulement" 268 964 récoltés. Peut-on réellement parler d'échec ? Peu de jeux peuvent se vanter d'avoir réuni de telles sommes durant leurs campagnes de crowdfunding. Avec 5 194 backers, le reboot d'Outcast semble avoir attiré les foules et ce, malgré une campagne qui, de l'aveu même des développeurs, n'a pas été gérée au mieux.

Un excellent départ

Ci-dessus, deux graphiques permettant de visualiser la répartition des gains et du nombre de donateurs au quotidien sur la durée de la campagne (pour voir en taille réelle, c'est par ici). Avec la très forte mobilisation durant les deux premiers jours ayant concerné près de 3 000 personnes et ayant rapporté environs 120 000 dollars, le départ "canon" nécessaire pour chaque gros financement semble ici avoir eu lieu. Néanmoins, celui-ci s'est essoufflé très rapidement, retombant pour presque tous les jours suivant sous la barre des 5 000 dollars quotidiens, somme qui ferait déjà rêver un grand nombre de studio cherchant de l'aide sur les plateformes de financement participatif.

L'échec peut donc avoir deux sources : un investissement insuffisant de la part des utilisateurs, ou un objectif bien trop ambitieux, qu'il soit nécessaire ou non. Dans le premier cas, il faut donc observer la campagne de communication en elle-même et tous les éléments en lien avec le Kickstarter. La couverture de la presse a été importante, comme en témoigne un collage de presque 100 logos de sites ayant rédigé un article sur cet événement, dont certains ont une influence certaine sur la visibilité des campagnes, comme Rock Paper Shotgun ou Polygon. Côté utilisateurs, l'intérêt semble avoir été au rendez-vous, même s'il faut probablement dissocier deux catégories de personnes : celles qui connaissaient Outcast, et les autres. Et c'est probablement le problème majeur qui a empêché la campagne de maintenir son cap jusqu'au 8 mai.

Un jeu, deux catégories de joueurs

Outcast étant sorti en 1999, la population y ayant joué sur ordinateur doit aujourd'hui avoir entre 30 et 40 ans en majorité et est donc capable d'assumer des dons plus ou moins élevés. En revanche on peut s'interroger à la fois sur le nombre de personnes qui ont été atteintes par la nouvelle du reboot au travers d'un Kickstarter, et parmi celles-ci, celles ayant eu la volonté de donner car ayant suffisamment apprécié l'opus original sur ordinateur. A l'inverse, quel a été le nombre de personnes touchées qui ne connaissaient pas le jeu ? Pour ces dernières, aucun souvenir nostalgique ne peut les inciter à participer au financement, et c'est donc la communication via le Kickstarter qui prend tout son sens pour expliquer le projet.

La présentation du projet sur la plateforme a été clairement insuffisante pour les novices découvrant Outcast pendant le lancement. Description de l'original et volonté de le mettre au goût du jour et même de faire une suite, un contenu qui semble classique mais qui manque pourtant d'énormément de captures et d'illustrations vidéos. Le reboot n'était en effet pas assez avancé pour offrir aux visiteurs une réelle attente, au travers d'un trailer par exemple. Sur le papier, la description du gameplay semblait également relativement commune. Les images doivent être porteuses de messages et d'un avant goût de ce que sera la version finale du projet, que ce soit en présentant son design et son interface. C'est un point important qui manquait très probablement à ce Kickstarter pendant trop longtemps. Et si les démos sont généralement très appréciées, bien qu'à double tranchant quant à l'avis qui pourrait en ressortir, elles nécessitent également un avancement certain dans le développement du jeu. A l'heure du lancement de la campagne de financement, seule une image comparant un paysage de la version originale à celui amélioré du reboot était disponible afin de présenter le travail fourni.

Pourtant en cours de route, les captures de l'original commencent à arriver les unes après les autres pour présenter les features de gameplay ou les environnements. Un vidéo-test de l'original apparaît également pour atteindre les joueurs n'ayant jamais touché à ce titre sans que la courbe des dons ne remonte pour autant. Même une vidéo de gameplay du reboot n'aura pas séduit alors qu'elle devait être assez attendue : un comble ! Malheureusement, il faut avouer que les graphismes n'y sont pas folichons et même si le progrès est plus qu'évident face à celui de 1999, la qualité générale semble être en dessous de ce que l'on pouvait attendre pour être convaincu ou séduit. Peut-être y a-t-il un constat à faire : le reboot de ce jeu n'intéresserait-il pas finalement que ceux ayant joué au premier ? Tous ces éléments mènent à la seconde source d'échec : la somme demandée.

Un objectif trop ambitieux ?

Un objectif de 600 000 dollars est clairement élevé, comparativement aux montants que l'on est habitué à voir. Les "gros" jeux demandant généralement des sommes de l'ordre de 100 000 dollars, il est légitime de s'interroger sur le choix de cet objectif. Les financements permettent généralement à des équipes de travailler à plein temps sur leur projet, d'engager des externes afin de fournir une aide sur des domaines non maîtrisés par les équipes tels que des animateurs ou des musiciens, de payer des licences coûteuses de logiciels de développement, ou encore d'acheter des assets (éléments divers composant le jeu). C'est finalement un cercle vicieux qu'ont subi les développeurs de Fresh 3D puisque le financement devait justement leur permettre d'avancer suffisamment le projet pour convaincre, afin de pouvoir récolter de l'argent ! L'équipe est également composée d'une dizaine de personnes qui vont travailler sur le jeu jusqu'à sa sortie prévue en octobre 2015, soit près de 17 mois et donc plus de 170 salaires à verser. En outre, il est probable que le rachat de la licence à Atari ait coûté une somme imposante. Mais pour les développeurs, c'était un mal nécessaire pour pouvoir reprendre leur jeu préféré sans avoir à subir le poids d'un éditeur.

C'est donc principalement un manque d'avancement du projet qui a manqué au Kickstarter afin de séduire un public ne connaissant pas l'Outcast original. Le financement des fans aurait probablement suffi pour une somme bien inférieure et un jeu moins ambitieux mais il aurait fallu pouvoir plaire autant aux néophytes qu'aux connaisseurs. Le rajout en cours de route de vidéos de gameplay ou de captures semble avoir été fait dans la panique, faute de matériel avancé à présenter. Pour la suite, Fresh 3D envisage plusieurs possibilités pour être financé, parmi une nouvelle campagne sur Kickstarter avec davantage d'informations, des financements privés, des emprunts bancaires, des dons paypal, un deal avec un distributeur ou un mélange de ces éléments. L'heure est à l'analyse du passé pour construire le futur ! L'investissement du public a malgré tout été assez massif si on relativise la somme obtenue, et leur projet aura gagné énormément de visibilité auprès de nombreux professionnels du domaine.

Outcast Reboot HD [PC] Kickstarter Trailer

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