Test - Papers, Please ou la dictature du formulaire

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Rédigé par MrDeriv, publié le 14/08/2013, modifié le 19/09/2013
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Félicitations, la grande loterie nationale de notre beau pays d’Arstotzka vient de vous choisir en temps que nouveau douanier ! À vous de faire entrer nos si patriotiques résidents et de refouler les étrangers et autres individus malveillants voulant fouler les terres de la mère patrie. Tel est le pitch de Papers, Please, le nouveau simulateur douanier de Lucas Pope, créateur à l’origine de The Republica Time, titre permettant d’incarner le rédacteur en chef d’un journal d’un pays en dictature. Bref, un développeur très habitué aux titres orientés pastiches des régimes communistes de l’est.

VOS PAPIERS S’IL-VOUS PLAÎT !

Le but de Papers, Please est assez simple : laisser passer ou non une foule d’arrivants à la frontière d’un pays. C’est le hasard d’une loterie nationale du travail qui plonge le « héros » à exercer ce métier de douanier. Dès lors, on comprendra assez vite que réguler le flux de population au poste de douane d’une dictature communiste n’est pas une mince affaire tant les cas particuliers seront nombreux. Un nouvel arrivant se pointe au guichet, nous tend son passeport et à nous de procéder aux vérifications d’usage. Contrôle de la date de validité, du pays et de la ville de provenance, correspondance du sexe, de la photo d’identité, un vrai travail administratif avec tout ce qu’il comporte de répétitif et de d’aliénant sur la durée. Et c’est là que réside la force de ce Papers, Please car cette simulation se veut finalement très proche d’un travail routinier bourré de procédures qu’il faudra suivre à la lettre sous peine de se voir sanctionné assez sévèrement. Une erreur ça passe, deux ça va encore mais à la troisième, vous et votre famille irez tout droit croupir en prison pour non respect des règles de la si belle Arstotzka !

Dur me direz-vous ? Cruel même ! Car si cette dystopie nous fera pas mal tâtonner au départ quant à la vérification des papiers en consultant sans cesse un manuel de procédures, on finira très vite par apprendre de ses erreurs pour devenir une sorte de machine capable de détecter les faux papiers, les escrocs, les menteurs et les petits filous. Le joueur passe donc du statut de douanier débutant et hésitant à celui de véritable limier du formulaire B60 devant correspondre à la fiche A2 et A3 nécessaire à l’obtention du droit d’accès au pays. Ainsi, on prend rapidement conscience du pouvoir de manipulation que peut avoir ce genre de régime via la mise en oeuvre de règles arbitraires appliquées de façon froide par des similis pantins du gouvernement. Le bonheur n’existe pas ici, seule la procédure compte !

TAMPONNE OU CRÈVE !

Tous les matins, vous arriverez dans votre petit poste de travail et ouvrirez la grille à une foule d’arrivants sortant un à un de cette masse compacte et impersonnelle de pixels pour se présenter à vous avec leurs papiers, leurs histoires et leurs suppliques. Sous vos mains, plusieurs choses comme un duo de tampons vert et rouge, un ordre du jour, un journal local et un outil de détection des anomalies vous permettront de mener à bien votre sordide tâche quotidienne. Et il s’agira d’aller vite dans vos vérifications car de votre cadence et de votre taux de détection des arrivants « illégaux » dépendra votre salaire, lui seul capable de faire vivre votre famille. Un relâchement et vous ne serez pas payé conduisant vs proches à finir en prison. Dur !

Cette course contre la montre se révèle être cynique et encourage le joueur à passer plus de temps à regarder son comptoir que la personne se trouvant en face de lui. Pourtant, tout n’est pas si morose au pays des douanes et parfois, il est nécessaire de laisser parler son cœur afin d’ouvrir les portes du pays à des personnes dans le besoin. Ainsi les histoires poignantes défilent devant vous et il faudra faire preuve de discernement pour arriver àdépartager les menteurs des réels personnes en situation de désespoir. Mais comment diable faire la part des choses lorsque le seul lien entre eux et vous ne réside que dans quelques papiers bardés de logos, de dates et d’informations froides et directes ?

Rien ne vous permettra finalement d’établir un lien avec eux et vous ne pourrez compter que sur vos deux modestes erreurs du jour pour laisser entrer un individu par compassion. Au fil de l’avancée des jours, vos étapes de vérifications s’alourdiront et le nombre de contrôles nécessaires au laisser passer des foules ira crescendo. Contrôle des visa de travail, des empreintes digitales, des permis de séjour, des antécédents, des intentions de visite etc. Une profusion de détails venant caricaturer finalement nos systèmes modernes d’administration et leur aspect robotique.

MOROSITÉ DU PIXEL

Côté durée de vie, le jeu propose un mode histoire permettant d’aboutir à une vingtaine de fins différentes en fonction de vos décisions tout au long des jours. Il sera très simple de revenir en arrière grâce à la présence d’un journal autorisant à revivre un jour passé afin d’effectuer d’autres choix. Une fois l’une des bonnes fins débloquée (comprenez une fin où vous ne finissez pas exécuté par le régime), un mode sans fin se débloquera et permettra de tester votre skill de douanier pendant de longues sessions de jeu. Si une certaine monotonie peut se dégager du titre au cours des premières heures du fait de la répétitivité des tâches demandées, on fini par comprendre qu’elle fait en réalité partie du système de jeu et participe à son ambiance morose assumée. L’aspect retro tout en pixels bruts va exactement dans la même direction tout comme la palette de couleurs choisies. C’est froid, c’est austère, c’est sinistre mais ça fait diablement réfléchir sur la capacité d’aliénation des régimes dictatoriaux. Disponible en anglais uniquement, la barrière de la langue pourra poser problème à certaines personnes mais ne devrait pas s’avérer si problématique que ça pour la majorité des joueurs susceptibles d’être intéressés par cePapers, Please.

Dérangeant & prenant
Diablement original et ouvrant la porte à une réflexion sur certains régimes politiques, Papers Please se révèle être une expérience de jeu très enrichissante. Si les neufs euros demandés sur Steam pourront en rebuter certains, sachez que le titre les mérite amplement et vous tiendra en haleine durant de nombreuses heures. Froid et austère, il fait partie de ces jeux à la portée narrative forte. Au final, son apparente rigidité de gameplay se révèle être que le reflet de la problématique abordée.
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