Panoramical est un jeu sur la composition et la contemplation. Un autre simulateur de marche ? Non, pour la simple raison que l'on n'a ni la possibilité de marcher, ni endroit où aller. Les paysages de Panoramical s'admirent uniquement avec les yeux et les oreilles. L'exploration cède ici la place à la création. Chaque ligne d'horizon est la jointure entre un monde qui se forme et se déforme à volonté, et une atmosphère musicale l'accompagnant en symbiose.

Panoramical repose sur un concept unique. Visualisez-vous Fantasia ? Cette scène où Mickey rêve contrôler les éléments, manipulant à la fois les tempêtes et l'orchestre ? C'est plus ou moins l'expérience qu'offre Panoramical. Le jeu vous met face à plusieurs tableaux, environnements abstraits initialement vides. À l'aide des contrôles, vous pouvez manipuler différentes pistes ou effets sonores, chacun associés à un élément du décor. La scène prend alors vie, des montagnes se forment, des lacs se creusent, des plantent surgissent, les couleurs rayonnent… Et conjointement, des notes retentissent, des instruments s'ajoutent, les sons se transforment, le ton monte, le rythme descend… Chaque effet a des répercussions sur les autres, offrant des combinaisons aux résultats uniques. Plus exactement, le joueur dispose de 18 dimensions analogiques pour interagir ! Mais rassurez-vous : le jeu se joue confortablement et intuitivement aussi bien à la manette qu'aux clavier et souris… Ainsi que les contrôleurs MIDI, dont un a été spécialement créé pour le jeu !

On doit Panoramical a la collaboration entre Fernando Ramallo, créateur et graphiste, et David Kanaga, compositeur et sound-designer à qui l'on doit Proteus et Dyad. Tous deux ont créé pour Panoramical une douzaine de mondes, composés d'atmosphères et de visuels explorant à leurs manières l'interaction musicale. À ceux-ci s'ajoutent des collaborations d'artistes invités (graphistes et compositeurs), qui valent la peine d'être présentés : Richard Flanagan (Fract OSC) et doseone (Samurai Gunn), Mr Div et Baiyon (Pixeljunk Eden), et George Buckenham et Jukio Kallio (LUFTRAUSERS). Les trois tableaux de ces invités complètent admirablement bien le jeu par leurs styles uniques ! C'est donc un total de 15 niveaux (sans parler d'un mode bonus) qui sont à découvrir, au rythme désiré par le joueur. Il n'y a en effet pas d'objectifs, de défis, succès ou contraintes. Le joueur peut ne visiter chaque monde que brièvement, ou s'y plonger sans voir le temps passer. On y revient même facilement pour le plaisir ou la relaxation, ce qui rend la durée largement extensible.

Allons vers l'essentiel : Panoramical est beau. Ses couleurs et ses musiques sont un délice. Rien que son introduction est, que cela soit dit, une pièce incroyable. Mais c'est son interactivité qui le rend tout à fait spécial. L'essai de différentes combinaisons donne des scènes et ambiances d'une grande variété. Le contrôle donné au joueur permet de rechercher soi-même les formes ou sons parfaits, puis de tout chambouler pour recréer quelque chose de complètement différent. Il en sort une expérience enivrante, plongeant entièrement dans les décors que l'on façonne. La plus grande prouesse technique du jeu reste que quels que soient les réglages effectués, il en sort presque toujours quelque chose de joli. Et même quand il arrive d'être insatisfait du résultat, corriger est facile, et des plus plaisant quand on a un soupçon de fibre créatrice. Petit conseil toutefois : désactivez l'interface dans les options du jeu. Bien qu'informative, elle s'avère trop facilement distrayante, et nuit à l'immersion. Se repérer uniquement au son et à l'image est une toute autre expérience, croyez-le !

Quel est le but de Panoramical alors ? Comme déjà dit, il n'y a pas d'objectif. Le seul intérêt du jeu est alors… le jeu lui-même. Jouer pour l'amusement de l'instant présent, tout simplement. La récompense est dans l'immédiat, par la beauté du moment. Le plaisir vient alors d'expérimenter, de créer de nouvelles combinaisons, et parvenir à obtenir un décor et une atmosphère harmonieux… Ainsi que prendre des screenshots. C'est une fonctionnalité intégrée au sein même du jeu, et à raison : chaque paysage a un attrait d'unique et éphémère. Trouver un équilibre est un instant presque magique de satisfaction. Difficile de résister à l'envie de prendre un souvenir, puis de balayer l'ordre pour en trouver un autre. Le véritable délice opère cependant dans l'évolution. Le morceau progresse sous nos impulsions, et tel un chef d'orchestre (ou « dieu-disco » pour reprendre les auteurs), on l'amène vers l'horizon qui nous enchante, avant de le conclure et passer au suivant.

Panoramical s'éloigne des standards dont le jeu-vidéo nous a habitué. Il n'en reste pas moins une source exceptionnelle d'amusement, pour peu que l'on adhère à son concept et que l'on apprécie son esthétique. Harmonieux et enchanteur de bout en bout, l'interaction musicale amène une contemplation unique et grisante. Dont la durée cependant est fortement liée au plaisir qu'y prend le joueur, dû à l'aspect créatif du jeu. Panoramical est une fabuleuse série d'océans, de forêts, de nuages, d'étoiles, de couleurs et de figures, marqués par une ligne d'horizon vibrant au son de la mélodie que l'on orchestre.

• Panoramical
• Développeurs : Fernando Ramallo et ]]>David Kanaga]]>
• Éditeurs : Finji et Polytron
• Genre : Musique / Atmosphère
• Support : PC (Windows / Mac)
• Description : Faites évoluer des paysages au travers de musiques interactives
• Date de sortie : 17 septembre 2015
• Site officiel
• Disponible sur : Humble Store, itch.io, Steam

Le jeu de base est vendu pour 10$. Mais il existe aussi en version « professionnelle » (oui, c'est un drôle de terme pour un jeu) pour 100$. Une particularité assez singulière pour mériter de s'y pencher un peu. Cette version donne accès au jeu, mais également au droit de l'utiliser pour des événements publics, concerts ou autres spectacles. Sont offerts aussi les outils pour modifier directement les entrées et sorties graphiques et sonores du jeu. Ceci permet de personnaliser complètement le rendu du jeu (par ses propres musiques ou graphismes), mais aussi de créer ses propres systèmes d'interface. Le contrôleur MIDI spécialement créé est déjà singulier, mais il est possible que l'on voit fleurir d'autres outils utilisant OSC pour manipuler le jeu avec des outils d'ingénieur son. Voire ne pas le manipuler du tout, vu qu'un mode auto est aussi proposé !

Ceci ne concerne pas nécessairement le joueur. Mais il reste intéressant de voir qu'en plus de son objectif ludique solo, Panoramical sort du cadre du média du jeu-vidéo pour s'intégrer à l'événementiel. C'est une utilisation vraiment chouette du game-design qui ouvre des possibilités méritant d'être explorées.