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Message Sujet: [Impressions] Sunless Sea     24/02/2016 à 20:13

(Ce n'est qu'après avoir écrit ce pavé que j'ai vu la possibilité de faire publier nos tests sur le site. C'est une excellente idée, mais ce texte n'a aucune prétention et n'a donc pas été rédigé dans cette optique Clin d'oeil )

Sunless Sea est actuellement proposé au palier supérieur du dernier Humble Indie Bundle (avec, pour l’occasion, une nouvelle compatibilité Linux). Je me suis dit que cela pourrait être utile, du coup, de livrer mes impressions sur ce "rogue-like lovecraftien sur fond d’époque victorienne". Et autant le dire tout de suite, j’ai beaucoup apprécié le voyage proposé par Sunless Sea. Le jeu est développé par Failbetter Games, que je ne connaissais personnellement pas, mais qui est déjà l’auteur de Fallen London, un jeu gratuit sur navigateur basé sur l’univers du même nom et dans lequel Sunless Sea s’inscrit également.

Une aventure narrative avant tout

Comme Fallen London (sur lequel je ne m’appesantirai pas, l’ayant très peu parcouru), Sunless Sea se présente avant tout sous la forme d’une aventure narrative (uniquement en anglais, niveau correct exigé !), dont les premières heures feront la part belle à l’exploration. On y incarne un capitaine s’apprêtant à lever l’ancre vers l’Unterzee (contraction probable des mots underground et sea) depuis le port de Fallen London, qui n’est autre que l’ancienne ville de Londres après que celle-ci se soit littéralement effondrée sous la surface de la Terre. Or on est désormais loin de la lumière du soleil, et toutes sortes de créatures étranges et surnaturelles peuplent les lieux, parfois amicales et civilisées… mais parfois pas.

Navigation textuelle…

Le gameplay du jeu est relativement simple et comporte principalement deux phases distinctes, à savoir la navigation en bateau et les escales sur la terre ferme.

Dans les ports, l’interface se présente ainsi sous forme textuelle uniquement, de sorte que l’on ne dirige jamais directement son personnage. On se retrouve dès lors avec un choix de lieux à visiter, de PNJ avec lesquels discuter ou d’actions à réaliser, le tout accompagné d’artworks (de qualité variable) afin d’atténuer l’austérité de l’ensemble. Cette « navigation » textuelle n’est toutefois pas réellement passive, car le joueur est souvent confronté à des choix qui peuvent avoir des conséquences – parfois exclusives, et potentiellement fatales – pour la suite des événements.

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Certains de ces choix sont d’ailleurs soumis à un taux de réussite basé sur les caractéristiques du héros, et si nos chances de succès nous sont souvent indiquées (notamment par un code couleur où le rouge marque les challenges les plus difficiles et le vert les promenades de santé), on ne connaît que rarement à l’avance les conséquences d’un échec. C’est notamment dans ces phases que l’aspect aléatoire du jeu trouve à s’exprimer.

En tant qu’aventure narrative, Sunless Sea propose donc énormément de lecture, sans aucun doublage toutefois. L’écriture est particulièrement agréable, et traduit bien le mystère et la tension qui accompagnent le joueur tout au long de la découverte. Chaque île sur laquelle on accoste a sa particularité, que ce soit au niveau de sa population – dont il faudra parfois gagner les faveurs avant de pouvoir se ravitailler – ou des actions qu’il est possible d’y accomplir. Parallèlement, certains PNJ peuvent y être recrutés en tant qu’officiers, qui apportent certains bonus à votre bateau et qui disposent de leur propre ligne scénaristique pouvant parfois mener à des bonus plus importants si vous la menez à bien.

… ou par bateau

La navigation par bateau, justement, est l’autre grande phase de jeu proposée par Sunless Sea. On quitte le mode textuel ici, pour un gameplay qui reste néanmoins très simple. Naviguer se fait au moyen des touches directionnelles et implique la gestion de quatre ressources principales, à savoir le fuel, les rations, l’équipage et la terreur. Cette phase participe elle aussi énormément à l’ambiance générale du titre.

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Chaque sortie en mer est ainsi synonyme de tension pour le joueur, car une pénurie de fuel, de rations ou de membres d’équipage peut s’avérer extrêmement problématique et bien souvent fatale. On navigue donc vers l’inconnu – à vitesse relativement réduite – à la recherche de nouveaux points d’escale, avec chaque fois ce dilemme : continuer un peu plus loin, avec peut-être la possibilité de révéler une nouvelle île, ou rebrousser chemin vers un lieu connu afin d’y refaire le plein ?

A cela vient s’ajouter le fait qu’en début de partie, les moyens financiers de notre capitaine sont très réduits, et les possibilités de renflouer les caisses sont peu nombreuses. Ainsi, la découverte d’un nouveau territoire à un moment critique n’est pas nécessairement synonyme de rédemption, les prix des différentes ressources de base pouvant varier du simple au triple selon les endroits, et toutes les îles ne proposant pas de ravitaillement. Toutefois, tomber en panne d’essence ou en manque de rations au beau milieu de l’Unterzee ne signifie pas toujours la fin, du moins pas pour tout le monde…

N’oublions pas non plus que nous ne sommes pas seuls sur les flots, et les pirates n’y sont pas nécessairement les adversaires les plus redoutés. Un certain nombre de créatures marines ou volantes vivent en effet dans l’obscurité de la mer souterraine, et le capitaine peu expérimenté aura tout intérêt à faire tourner son moteur à plein régime (moyennant une consommation de fuel plus importante durant quelques instants ainsi qu’un risque d’explosion) pour fuir les confrontations, souvent délicates, car si le bateau coule, c’est une mort inéluctable qui attend le joueur. Le titre offre toutefois la possibilité d’armer son vaisseau de trois types d’armes différentes, mais encore faut-il pouvoir les équiper, tous les bateaux ne pouvant accueillir tous les types d’armes. Il faut également noter qu’acheter un bateau plus imposant nécessitera énormément de fonds, et ne sera vraisemblablement pas abordable avant de nombreuses heures de jeu.

L’équipage est quant à lui une « ressource » (si, si) bon marché et qui ne s’use pas facilement, mais il est possible de perdre des « zailors » lors de certains événements (aléatoires ou non) ou lors de combats un peu trop violents. Si vous naviguez avec moins de la moitié de votre équipage, le bateau subira une importante pénalité de vitesse, ce qui non seulement rallongera les déplacements entre les îles mais étouffera également dans l’œuf tout espoir de fuite en cas de mauvaise rencontre.

Enfin, la terreur est une variable omniprésente. La simple navigation dans les eaux troubles et ténébreuses de l’Unterzee la fera grimper, lentement mais sûrement, et ce d’autant plus vite si vous décidez de couper le phare dont votre bateau est équipé pour économiser quelques précieuses gouttes de fuel ou pour tenter de passer inaperçu. Le récit de certaines aventures horribles ou le fait d’assister à certains événements feront également monter la terreur de votre équipage. Et plus celle-ci est élevée, plus les risques de mutinerie, de comportements suicidaires ou d’hallucinations collectives sont importants… Il est heureusement possible de perdre de la terreur dans certains ports ou en passant une bonne nuit de sommeil dans sa demeure londonienne.

Mort permanente

Si, comme je l’ai dit, j’ai beaucoup apprécié Sunless Sea, c’est principalement grâce à son ambiance mystérieuse et terrifiante à la fois, soutenue par une bande-son de très bonne qualité mais sans doute un petit peu trop discrète. Le principal défaut du titre est certainement l’ambiguïté issue de la mort permanente, celle-ci apportant beaucoup à l’ambiance du début du jeu mais se conciliant mal avec les dizaines d’heures nécessaires pour parvenir à une conclure une partie sur une victoire.

Les premières heures de jeu sont excellentes. On découvre la map petit à petit sans savoir ce qui nous attend derrière le brouillard ou au détour d’un rocher, tout en gérant comme on peut la faim et la terreur de l’équipage ainsi que le fuel. Chaque erreur d’appréciation peut nous entraîner vers la mort, et il arrive fréquemment que l’on revienne à Londres en puisant dans ses toutes dernières réserves. Pour peu que l’on ait récupéré les « port reports » sur chaque île visitée et que l’on ait rempli les missions données par l’amirauté (qui consistent principalement à se rendre dans tel ou tel port), on pourra récupérer assez d’argent pour racheter du fuel et des rations et pour repartir à l’aventure.

Dans ce contexte, la mort permanente apporte réellement un plus, puisqu’elle ajoute encore à la tension et au sentiment d’insécurité ambiants. Mais plus la map se dévoile, plus les habitudes se créent, et au fur et à mesure, les sorties en mer se révèlent moins dangereuses. Le jeu prend alors une tout autre tournure, celle des quêtes offertes sur les différentes îles du jeu ou lancées en partageant un repas avec l’un ou l’autre officier. Ce que l’on perd en angoisse et en fièvre de l’exploration, on le gagne en découvrant toujours plus de lore, en cherchant à récupérer les objets nécessaires en voyageant aux quatre coins de la map, en réalisant certaines actions à des endroits précis, en parlant aux bonnes personnes au bon moment, en réalisant des opérations de contrebande, etc.

Le virage subtil ainsi opéré, par lequel on quitte l’optique d’exploration/survie pour un système de quêtes narratives, permet au joueur de prendre réellement conscience de la véritable richesse de Sunless Sea. Je n’en ai pas parlé, mais le « but » du jeu est d’assouvir une ambition que l’on définit en début de partie en se choisissant un passé. Combler cette ambition est la seule manière de terminer le jeu par une victoire, bien qu’il soit également possible d’obtenir un draw à certaines conditions. Or, mener à bien les objectifs fixés par cette ambition requiert littéralement des dizaines d’heures de jeu, et le spectre de la mort permanente plane toujours au-dessus de notre tête…

A ce sujet, les développeurs ont dû faire un choix. On l’a vu, la mort permanente est un mécanisme majeur de l’ambiance et de l’immersion des premières heures de jeu. Mais perdre un capitaine avec lequel on a déjà navigué une vingtaine d’heures est une tout autre paire de manches pour la patience du joueur, qui n’aura pas nécessairement l’envie de relancer l’aventure depuis le début... C’est pourquoi Failbetter Games a prévu une option permettant de réaliser des sauvegardes manuelles, alors que le jeu n’effectue normalement que des sauvegardes automatiques lors de chaque action dans les ports. La seule différence entre les deux modes de jeu sera la simple perte d’un token symbolique dans l’inventaire (et du succès Steam associé), mais bien entendu, contourner ainsi la mort permanente se fera terriblement ressentir sur l’ambiance générale du titre.

En bref

Sunless Sea est un excellent titre narratif (en anglais uniquement) prenant place dans un monde original d’une richesse certaine, et mêlant plutôt habilement exploration des mers et ambiance angoissante. Si le jeu propose par défaut une mort permanente (désactivable dans le menu) et de nombreux événements aléatoires, il s’éloigne toutefois du rogue-like en présentant une aventure de longue haleine comportant de nombreux mini-scénarios et quêtes annexes qui renforcent encore la crédibilité de son univers. A essayer !