Test - Reus, le God Game qui n'en était pas un

Mac
PS4
One
Win
Rédigé par MrDeriv, publié le 04/10/2013, modifié le 23/01/2015
Partagez sur :

J'ai toujours aimé contrôler le destin du monde d'une main de fer en utilisant mes pouvoirs divins. Conduire des civilisations vers la gloire ou la déchéance, modeler le terrain, faire pleuvoir de la lave sur les foules, me fâcher pour un oui pour un non, tant de choses propres à la volonté des dieux vidéoludiques. Car oui, sans le God game, mes pouvoirs divins n'iraient pas bien loin ! Gloire à Peter Molyneux le mirifique pour avoir inventé le genre il y a plus de vingt ans avec Populous. Un genre quelque peu tombé dans l'oubli au fil des années, mais qui connait un sérieux regain d'intérêt ces derniers temps avec la sortie de titres tels que From Dust d'Éric Chahi ou Godus de notre ami Peter. Au milieu de tout ça, l'indé a aussi pointé le bout de son nez et nous a présenté Reus, un titre aux graphismes charmants proposant d'incarner des géants afin de guider des peuplades vers la prospérité.

Être un Dieu, c'est géant !

On ne peut pas à proprement parler de divinité dans Reus puisque les créatures contrôlées se rapprocheraient plus de géants, de titans, voire d'incarnations des éléments. Cette exclusion de la catégorie divine est importante car elle permet de comprendre que le gameplay de Reus ne sera pas centré autour de pouvoirs mystiques et spirituels, mais basé sur la nature et ses ressources. Car les développeurs de chez Abbey Game n'ont pas souhaité faire de Reus un God game classique. En effet, le titre s'éloigne sur bien des aspects des poncifs du genre. Commençons déjà par la surface de jeu. Exit ici la carte vue du haut constituée de multiples cases, notre terrain sera une coupe du globe terrestre vue de côté en 2D. On pourrait croire que ce choix confère à Reus une immense surface d'action, mais on comprendra assez vite que ce n'est pas le cas. Lors de votre première partie, vous serez invité à suivre un très long tutoriel chargé d'expliquer les spécificités et les objectifs du jeu. Ce sera l'occasion de découvrir les géants, créatures titanesques au cœur du gameplay. Au nombre de quatre, ils permettront de réaliser toutes les actions de jeu et seront les seules "créatures" à qui vous pourrez donner des ordres.

Le premier géant sera celui des mers, un gros crabe n'hésitant pas à ouvrir les robinets pour créer des océans capables d'irriguer les zones avoisinantes. Une fois la zone bien humide, il sera alors possible d'utiliser les talents du géant de la forêt ou des marais pour planter un peu de verdure et faire apparaître un terrain propice à l'établissement d'un premier village. Tout aussi important, le titan de pierre permettra quant à lui de faire sortir du sol des montagnes créant ainsi des déserts à ses pieds. Qui dit désert ne dit pas forcément absence de vie dans Reus puisque la population pourra s'établir sur tous types de terrains exceptées les mers. Une fois les biomes placés selon vos désirs, il sera nécessaire d'y disposer au moins un type de ressources pour déclencher l'arrivée automatique d'un colon capable de créer un premier village. C'est ici que débute véritablement les spécificités de Reus. En effet, chacun de vos géant dispose de plusieurs capacités soumises à de légers cooldown's leur permettant de faire apparaître un type de ressource à divers emplacement de la map. Le géant de la forêt aura la possibilité de planter des arbres fruitiers, celui des mers pourra invoquer quelques animaux sauvages ou domestiques et le titan de la montagne fera surgir des gisements de minerais selon vos désirs. Vous allez me dire : "ok, ben il suffit de blinder la map de ressources pour satisfaire la population !". Et la réponse sera bien évidement non, car toutes ces ressources naturelles possèdent des particularités à exploiter.

Les renards, ça aime le quartz ?

L'élément venant apporter toute la subtilité au gameplay de Reus s'appelle la symbiose. Planter quelques pousses de sureau dans les eaux stagnantes d'un marécage permettra d'augmenter la jauge de nourriture du village et donc de satisfaire aux besoins de chacun. En se penchant sur les caractéristiques de la plante, on remarquera que ses capacités de production de nourriture sont décuplées si on place un certain type de ressources à côté, en l'occurrence des animaux. Cette symbiose de ressources nous fait déjà entrevoir les multiples possibilités d'associations de plantes, de minerais et d'animaux à exploiter dans le jeu. Croyez-moi, il y en a beaucoup et il sera nécessaire d'adapter la disposition de vos ressources naturelles afin d'engranger un maximum de points de nourriture, de science, de richesse ou de nature. C'est ici que le gameplay de Reus s'éloigne finalement de celui d'un God game pour se transformer en simili puzzle game. En effet, au lieu de vous occuper de la population en interagissant directement avec elle, votre tâche se concentrera uniquement sur la gestion des ressources et la création d'un maximum de symbioses afin d'obtenir le rendement le plus efficace possible. Notez que les capacités des géants évolueront au fil de vos succès et permettront de créer de nouvelles symbioses certes plus puissantes, mais nécessitant la réorganisation complète de vos terrains.

Une fois les trois longs tutoriels terminés, vous pourrez vous lancer dans un nouveau mode de jeu appelé "ère" (ou Era en anglais, le jeu n'étant pas localisé dans la langue de Molière). Bien différent des longues parties classiques d'un God game, ce mode sera limité dans le temps. Vous disposerez donc de 30 minutes pour réaliser une série d'objectifs divers et variés. Rassurez-vous, il sera possible de débloquer des durées plus longues après avoir réalisé une série de succès (60 et 120 minutes). Durant ce court laps de temps, l'objectif sera de parvenir à certains prérequis afin de débloquer de nouvelles capacités pour vos géants. Les villageois se lanceront bien vite dans des projets de construction (Église, école, pêcherie) nécessitant un certain nombre de ressources pour arriver à leur terme. Il faudra ainsi parvenir à aménager le terrain en combinant vos ressources de façon intelligentes pour créer un maximum de symbioses. Tout projet terminé permettra aux habitants de vous fournir un ambassadeur à faire monter sur la tête d'une géant afin de réveiller l'une de ses capacités endormies. Nouvelles capacités = nouvelles symbioses, vous commencez à comprendre toute la subtilité du titre.

Le dieu des chiffres

Au delà de la gestion des symbioses et des ressources, il faudra aussi veiller à ne pas faire trop vite accroître les richesses d'un peuple au risque de faire monter sa jauge d'avidité et de le voir partir en guerre contre les villages avoisinants. Les solutions pour éviter ce léger désagrément sont multiples : limiter intentionnellement la production de ressources pour trouver un équilibre, transformer certains animaux en prédateurs afin d'instaurer la peur chez la population ou, plus radical, détruire purement et simplement un village un peu trop enclin à la violence. Mais là où une destruction de civilisation est affaire de cœur dans un God game classique, cette décision se prend de façon très froide dans Reus car nos yeux s'intéressent finalement bien plus aux chiffres qu'à l'humain. Il sera même possible de mettre le jeu en pause active afin de mieux coordonner vos prochaines actions de création de ressources entre tous vos géants. Cet aspect froid est détaché est induit par la dimension puzzle game du jeu mais se révèle finalement assez dommageable sur la durée car une certain lassitude due à la répétition des tâches se fait bien vite ressentir. En effet, le fait de devoir recommencer encore et toujours des parties chronométrées, construites autour de la même structure de gameplay à base de symbioses devenant mécaniques, ne permet pas à Reus d'entrer dans le cadre poétique et humaniste porté par les jeux du genre.

Heureusement que la patte artistique du jeu vient quelque peu rehausser la poésie de l'ensemble. Le parti pris d'une 2D moderne pleine de couleurs prend à contre-pied la tendance actuelle du néo-retro bourré de pixels très en vogue dans le monde des jeux indépendants. Le design global est attachant, les géants plus mignons que menaçants et la lisibilité globale ne s'en trouve qu'améliorée. Dommage que l'interface en anglais ne soit un peu trop chargée en informations et que la compréhension de tous les éléments de gameplay nécessite souvent de passer par un wiki officiel traduit en français pour la plupart de ses pages.

Un faux God Game
Si l'aspect graphique attachant de Reus est pour vous le motif de votre envie de tester le jeu, sachez que le titre des allemands de chez Abbey Game tient plus du puzzle game que du véritable God Game. La faute à un gameplay trop orienté sur la gestion des symbioses naturelles plutôt que sur la conduite de civilisations à la prospérité. Doté de modes de jeu limités dans le temps, il faudra passer beaucoup de temps à faire et à refaire les mêmes actions pour espérer débloquer les capacités avancées des géants et ainsi découvrir la véritable richesse du jeu. En aurez-vous la patience ?
vignette pour les réseaux