Mais juste, 200% oui. Merci.
[quote]
Dans un monde idéal, toutes les critiques se feraient uniquement sur des points pertinents par rapport l'œuvre.[/quote]
Il y a selon moi une approche qui permet de résonner avec ce que tu dis. At0mium le fait d'ailleurs à moitié dans son article.
1) Cerner l'intention
2) Analyser si le jeu et l'expérience de jeu s'accordent en ce sens, vont dans cette direction.
C'est d'une simplicité limpide et d'une pertinence absolue. Je me fous des graphismes, de la jouabilité, de la musique de The Beginner's Guide. Ce que je veux savoir, c'est si la manière dont ils résonnent entre eux participent effectivement à accomplir l'intention sur lequel le jeu s'est construit.
Cette perspective permet de mettre tous les jeux sur un pied d'égalité en terme d'analyse. MAIS SURTOUT, c'est ça qui peut renseigner efficacement le joueur sur l'expérience qui l'attend.
Ce n'est justement pas dénué de sens, bien au contraire. Mais c'est exactement ça que je reproche. C'est prendre en considération et en respect la nature particulière du titre, POUR ensuite la marginaliser. Ce qui est à mon sens dommage. Car le discours qui revient à nouveau est le suivant: ce n'est pas vraiment un jeu.
La vérité c'est que ça m'agace. À mes yeux ce discours n'est plus utile, les exemples sont multiples. Je vais juste me contenter d'un truc un peu bateau, mais l'idée c'est d'illustrer un peu mon propos.
Je ne joue pas à Life is Strange de la même manière et pour les mêmes raisons que je joue à DoTA. Et pourtant, dans l'absolu, les deux sont des jeux non? Selon la logique qu'on entend en général, on serait pourtant en droit de dire que Life is Strange est MOINS un jeu que DoTA, car plus narratif et son gameplay est moins riche. Génial, qu'est-ce que ça m'apporte? À quel moment cette génialissime analyse me permet de mieux comprendre Life is Strange et son intérêt? Il ne le permet nullement, voilà la réponse.
La vérité c'est qu'on s'en fout que ça soit un jeu ou pas, quelque soit le degré de cette affirmation. Life is Strange est très bon dans ce qu'il fait, il n'y a aucun doute à avoir là-dessus vu la reconnaissance du public et de la critique. Pourtant, si on le compare d'égal à égal selon la perspective plus traditionnelle (à laquelle j'ai l'impression que tu adhères, et tu m'excuses si je me trompe), Life is Strange ne pourrait être que médiocre. Alors doit-on sérieusement se contenter de dire: C'est un jeu spécial, alors on peut pas vraiment le noter mais il est bien quand même? Non!
C'est une marque de reconnaissance pour le titre que de le mettre sur un pied d'égalité par rapport aux productions traditionnelles, justement au travers de la critique. S'en priver revient à entraver les réflexions analytiques qui permettent d'élargir nos horizons vidéo-ludiques et d'imaginer d'autres pistes pour permettre des créations encore plus diverses et originales!
[quote]Or je vois mal ce qui peut être plus représentatif de ce qu'est l'essence du jeu-vidéo qu'une forme représentant plus de 99% de ce qu'il propose,[/quote]
L'essence du jeu vidéo est de nature artistique. C'est désormais acquis et certain. Ce n'est pas parce qu'une grande partie des joueurs ne s'intéresse pas à des productions dans l'absolu plus atypiques qu'il faut les débiliser et les en préserver. C'est peut-être là où nos deux points de vue divergent sensiblement.
Je suis d'accord avec toi pour dire qu'une majorité de joueurs ne s'intéressent pas du tout à des jeux comme The Beginner's Guide. Mais à mes yeux, cela ne signifie pas que le regard de la critique ne peut pas s'adapter à cette nouvelle mouvance et adopter une posture qui met tous les titres sur un pied d'égalité. Inclure, plutôt que d'exclure.
Concrètement, imagines justement cette fameuse "majorité" de joueurs dont on parle. En lisant l'article d'At0mium, n'y a-t-il pas plus de chance qu'ils soient effrayés à l'idée de s'y essayer?
Je n'aime pas sous-estimer l'ouverture d'esprit de mon lectorat. En tant que joueurs, nous connaissons tous les affinités que nous avons pour tel ou tel genre de jeu. À partir de ce moment, pourquoi prendre des pincettes quand il s'agit d'un truc un peu plus intimiste et personnel? The Beginner's Guide est un jeu narratif chelou, basta. Qu'on le considère en tant que tel et qu'on en parle comme il le mérite.
[quote](ce qui ne veut pas dire qu'il s'abstient de tout jugement, mais qu'il ne peut pas raisonnablement s'entendre en terme de "gameplay", "level-design" ou "durée de vie")[/quote]
C'est parce que le jeu vidéo ne peut plus être jugé en ces termes depuis bien longtemps. The Beginner's Guide n'est pas le premier à soulever ces questions et les mettre à mal. Pour qu'une critique soit utile désormais, elle doit cerner l'intention, ce que At0mium fait au plus juste, avec d'excellents mots que moi-même je n'aurai pas mieux trouver.
Mais ENSUITE, il faut savoir si les moyens utilisés par le jeu servent cette intention, oui ou non. Et là, on en parle pas!
Oui, The Beginner's Guide est un jeu touchant, intéressant. Mais nous devons aller plus loin, pour comprendre pourquoi et comment. Bien sûr, je comprends que l'idée de l'article c'est de ne rien spoiler au possible, ce qui est tout à fait normal et bienveillant. Mais c'est tout à fait possible de le disséquer sans en dévoiler ce qui fait tout son intérêt scénaristique. Crois-moi, je suis le premier à crier quand on ne me spoile ne serait-ce que les bribes d'un titre que j'attends ardemment XD
Les jeux de ce type existent depuis longtemps, à la différence que celui-ci profite de la notoriété et de la visibilité de son créateur. Mais ce qui m'embête le plus, ce n'est pas ça. En le "jugeant" différemment que d'autres jeux, on tend à le mettre de côté et à ainsi à le catégoriser sous "autres". Je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas parce qu'un jeu est chargé d'un message personnel, intimiste, qui joue sur un gamefeel à l'opposé de ce qu'on a traditionnellement l'occasion de vivre, qu'il est à considérer en parallèle aux autres jeux. Les jeux changent, évoluent. Ces nouvelles créations ne doivent pas être mises de côté par la critique, c'est les marginaliser. Ils ne méritent pas ça, même si la démarche m'apparaît comme bienveillante.
Désolé, mais je ne suis pas d'accord. Je partage dans les grandes lignes ton ressenti, mais ce n'est pas une raison pour s'épargner une critique honnête et analytique du jeu.
Je me permets de copier ici le lien vers l'article que j'ai écrit à ce sujet. Là non plus, aucun spoiler (on est d'accord, ça serait nul) [url=http://uncoindepixel.ch/the-beginners-guide/]http://uncoindepixel.ch/the-beginners-guide/[/url]
Ce n'est pas parce que le jeu sort des carcans habituels qu'il ne peut être critiqué. Au contraire, c'est à la critique de s'adapter et de justement prendre en compte l'intention (comme tu le dis) pour savoir s'il parvient à ses fins.
Le truc qui m'a toujours un peu effrayé avec une structure déjà posée en amont, c'est la rigidité qui peut en découler. Évidemment, lorsqu'on bosse au sein de certaines structures (des équipes plus importantes), il devient rapidement difficile de faire autrement, pour des raisons de workflow.
Et c'est à mes yeux d'ailleurs un peu dommage. Car comme ils l'expliquent très bien dans leur article, les meilleures idées n'arrivent jamais lorsqu'il le faut: sous la douche, à vélo, dans le bus, dans un sursaut en plein milieu de la nuit. Dès lorsqu'un carcan/squelette se fige, il est théoriquement moins enclin à accueillir ces illuminations scénaristiques.
J'aime bien faire le parallèle avec le travail itératif du game design. On pose des bases avec des intentions de game feel et après les phases de test, on réajuste, on inclut des bugs comme feature, etc... Il y a selon moi une véritable souplesse à avoir qui, là où elle paraît naturelle pour le game design, devrait également se retrouver dans l'écriture du scénario.
Là encore, je ne m'appuie que sur mon humble expérience. Dans une toute première version de mon jeu, celui débutait avec une séquence beaucoup plus orientée action. Je partageais le même point de vue que l'auteur de cet article, c'est-à-dire: Jeter le joueur dans l'inconnu et le faire crocher en titillant sa curiosité. Mais après quelques tests, j'ai été contraint de reconnaître que cela ne fonctionnait tout simplement pas. J'ai plus ou moins jeté quelques centaines d'heures de boulot à la poubelle pour rectifier complètement le tir et essayer autre chose. Et aux dires de tous, cela fonctionnait beaucoup mieux.
Si j'avais opté pour une structure plus rigide, je pense qu'un remaniement autant radical aurait été plus difficile à manoeuvrer. Cette souplesse, cette capacité à saisir au bon moment les bonnes idées et à se réinventer, elle me paraît centrale. Cela semble d'autant plus pertinent pour les projets à taille humaine, là où les moyens de production sont plus limités, mais où au moins la créativité peut être mise en avant.
[quote]Le "piège" dans la création c'est bien de vouloir appliquer des recettes toutes faites.[/quote]
Absolument d'accord.
Le jeu sur lequel je bosse c'est "Don't Kill Her". Ce n'est malheureusement pas encore sorti, mais j'ai un vieux trailer qui traîne.
[url=https://vimeo.com/67954596]https://vimeo.com/67954596[/url]
Si tout va bien, j'aurai fini début d'année prochaine : ]
Merci pour ces chouettes explications.
Je pense qu'effectivement il n'y a pas de solutions miracles, tout dépend des affinités. Du coup, en tant que dessinateurs, rien de plus naturel que de se laisser porter d'abord par des impulsions visuelles.
Pour ma part, j'ai réfléchi mon jeu autour d'une thématique et d'un message assez fort que je voulais voir porter par UN personnage, qui n'est d'ailleurs pas celui contrôlé par le joueur. Pour que le "principe" de mon jeu fonctionne, j'ai besoin que la cohérence de l'univers soit tangible. Du coup, à l'extrême opposé de vous, j'ai écrit en long et large toutes les caractéristiques de ce fameux personnage central. Je l'ai imaginée réagir à différentes situations, essayer de définir son niveau de langage, exactement comme un persona.
Mais à certains moments cela ne suffisait pas, et cela commençait à m'ennuyer. [b]Alors j'ai commencé à écrire des lettres, adressée à moi, le développeur.[/b] J'écrivais ce que je l'imaginais vouloir communiquer au développeur, pour que le jeu soit à son image. Oui, c'est tordu, mais étonnement, cela m'a au final été plus utile que les personas, parce que je me suis beaucoup plus amusé à le faire, et conceptuellement, par rapport à mon jeu, cela faisait plus de sens.
Je pense que la bonne technique c'est ça. Ne pas avoir peur de prendre du recul et le temps de trouver la technique qui nous amuse et qui résonne.
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