Salut Hyoma, et merci de nous avoir répondu ! Je pense que tes questions son justifiées, et mériteraient les réponses de plusieurs développeurs et joueurs pour que chacun puisse apporter son opinion. Bref, un vrai débat, quoi.
J'aimerais quand même essayer de te répondre en quelques mots (je n'ai hélas que peu de temps), et insister sur le fait que tout ce qui est écrit dans ce forum "The Icehouse - parcours d'un collectif indé" ne concerne que nous, notre vision du marché, et ce que nous apprenons chaque jour. Cette vision est peut-être erronée ou déformée, et il ne faut pas nous en vouloir, car il ne faut pas oublier que nous sommes tout petits, que nous débutons de rien pour essayer de créer des jeux par nous-mêmes. Ce n'est pas parce que nous maîtrisons de mieux en mieux nos outils de développement, que nous connaissons forcément tous les aspects d'un projet. Et si quelque chose ci-dessous frustre quelqu'un de par la formulation, surtout ne le prenez pas mal. Tout ce que l'on veut, c'est offrir un témoignage, et pas dire que nous avons raison.
Ce qui est drôle sur ce point, c'est qu'aller bosser de manière plus classique dans le marché de l'emploi n'est pas non plus simple pour tout le monde
Lorsque nous disons que le parcours d'un développeur est semé d'embûches, cela ne veut pas dire que c'est le cas pour tous les développeurs. Cela ne veut pas dire que notre métier est terrifiant et pire que n'importe quel autre emploi. Heureusement non ! Nous avons beaucoup de respect pour chaque personne française qui travaille dur du matin au soir, et nous sommes conscients que la plupart des salariés ne sont pas payés à leur juste valeur.
Nous avons choisi cette voie justement pour être libres et ne pas avoir de patron, parce que nous sommes passionnés, et ce que nous écrivons ici d'abord est un témoignage pour d'autres joueurs qui souhaiteraient peut-être un jour se lancer à leur tour dans le métier de développeur indé. Ce que nous disons, ce n'est pas : "il y a bien trop de pièges dans ce milieu, ne vous y aventurez pas". Mais plutôt : "pensez bien votre projet avant de foncer tête baissée". Le piège standard, c'est de croire que l'on a un jeu génial, qui va se vendre à des millions d'exemplaires, et qui va facilement rapporter gros.
Malgré les difficultés rencontrées par les développeurs français (des lourdeurs administratives par exemple), on peut aussi s'arranger pour obtenir des aides, telles que des primes ou le rsa. Nous ne sommes pas les plus mal lotis dans le monde.
Après y'a d'autres aspects qui sont discutables, notamment le prix choisi par le développeur (qui parfois est clairement trop élevé pour le jeu) ou peut-être l'abondance exagérée des titres disponibles
il faut se poser la question qu'on ne pose pas assez je trouve, c'est : quelle est la situation financière des consommateurs de jeux vidéo indés et notamment de ceux qui les téléchargent ?
Lorsque tu dis que les joueurs sont jeunes et "pauvres", on le sait bien. Les développeurs ne sont pas des sangsues qui choisissent des prix élevés pour le plaisir d'égorger les joueurs.
Non. Créer un jeu, c'est notre travail quotidien (avec lequel on met du pain sur la table), on y passe nos journées et nos weekends, et on voudrait simplement réussir à en vivre. Si on trouve une solution harmonieuse où le prix convient aux joueurs et qui nous permette également de percevoir des revenus décents, nous serons les premiers satisfaits.
A l'heure actuelle, en discutant tous ensemble entre membres de notre collectif, nous avons encore du mal à savoir comment vivre de notre passion du jeu indé. Pour tout te dire, on n'arrive pas à en vivre, et on est sans doute aussi pauvres que les étudiants. C'est un message qui doit être entendu car, à lire l'opinion générale sur les forums français, on a souvent l'impression que les joueurs se font racketter et que les développeurs empochent des millions. Ce n'est pas vrai dans bien des cas.
Nous aussi lorsque nous étions jeunes, nous avions du mal à nous offrir nos cartouches de Super Nintendo, lorsque le dernier jeu à la mode nous faisait envie derrière la vitrine. Bien souvent il fallait attendre les anniversaires trop lointains pour se le faire offrir, ou recevoir quelques centimes de notre chère grand-mère qui s'ajoutaient au reste de nos économies.
Pour le reste, nous faisons des erreurs et nous apprenons. Ce sont souvent d'autres joueurs qui nous ouvrent les yeux en nous disant qu'il serait mieux de faire "telle ou telle chose" à l'avenir, et lorsque nous sommes convaincus nous suivons ces conseils.
Mouais je suis pas convaincu qu'un éditeur augmente systématiquement le nombre de ventes
Nous non plus, d'où l'article ci-dessus.
Le seul intérêt d'un éditeur (honnête évidemment), c'est qu'il paie le studio au jour le jour
En tout cas pas tous. Certains, comme Lace, peuvent faire une petite avance financière (pour payer un logiciel onéreux par exemple), et c'est de l'argent qui sera repris ensuite sur les ventes du jeu.
Comme c'est écrit dans notre long pavé plus haut, ce type d'éditeur propose un genre de forfait "Steam + communication", et ça s'arrête là. Les autres éditeurs, ceux qui payent réellement au jour le jour, ce sont bien souvent des éditeurs qui ont une certaine ancienneté et notoriété. Autant dire que la grande majorité des indés n'a pas accès à leurs services.
Avec ASA, ce sont ainsi des centaines de clés que nous avons distribuées dans notre ignorance.
Mais sans vouloir être offensant, pourquoi vous avez donné autant de clés à des Youtubeurs ?
Ahah, il y a une erreur dans l'article. Ce ne sont pas des centaines, mais une centaine. C'est déjà beaucoup. J'explique pourquoi ci-dessous, continue de lire.
effectuer une baisse du prix de 75% et informer des journalistes de la baisse pour qu'ils diffusent l'offre au plus grand nombre
Malheureusement les journalistes parlent très rarement de ce genre d'offre. Ils ne sont pas à notre service et on a encore bien souvent du mal à comprendre pourquoi tel ou tel article a été publié, et pas tel autre. Lorsque l'on écrit un communiqué de presse pour la sortie d'un jeu, je peux t'assurer que l'on est bien contents lorsqu'un magazine parle de notre projet. C'est à dire que faire parler de son projet (donc gérer la communication), cela ne s'improvise pas, et les développeurs indés ont souvent bien bien du mal à se faire connaître, à faire parler d'eux, à présenter leur nouveau jeu.
C'est la raison pour laquelle nous tentons différents procédés (communiqués de presse, réseaux sociaux, festivals, démos, trailers, youtubers...) avec l'espoir d'être remarqués ici et là. On en vient donc aux Youtubers, et je vais te dire pourquoi nous avons envoyé une centaine de clés d'ASA : c'est pour promouvoir le jeu. En effet, les Youtubers savent très bien qu'ils sont un bon moyens pour nous de faire de la pub gratuitement, en touchant leur base de fans, et vice-versa.
Du coup, lorsqu'un jeu sort sur Steam, et que l'on ne connait pas l'arnaque des Youtubers, on ne se méfie pas. Une sortie Steam est vite remarquée par ces derniers, qui se dépêchent de contacter le développeur pour tester le jeu. Le développeur naïf (nous) se dit "chouette !" et envoie les clés avec enthousiasme, en espérant retrouver son projet partout sur le web. Les emails arrivent par centaines, on en sélectionne une partie seulement (ceux qui ont de vrais comptes sur google), et c'est ainsi que, petit à petit, on finit par donner autant de clés : lors d'une sortie Steam, tout se bouscule et tout va très vite, il faut être réactif. C'est en fait l'espoir de gagner en visibilité qui nous pousse à agir ainsi, mais c'est là qu'on se faire avoir.
Nous avions l'expérience d'autres petites sorties, qui nous ont prouvé que les journalistes ne testent pas tous les jeux, et nous savons que toutes les aides sont bonnes à prendre. Sauf que le coup des Youtubers, c'est assez vicieux, on ne l'a pas vu venir. Et on n'est pas les seuls ! Il suffit de lire l'article que nous avons donné en référence précédemment. Pour tout te dire, il y a même des arnaqueurs qui créent des faux blogs de news, pour ensuite se faire passer pour des journalistes, et demander des clés gratuites. Tu vois, il faut faire attention à tout.
Bien souvent, nous faisons un travail considérable en communication que les joueurs ne voient pas, qui porte donc très peu ses fruits. Si tu as du mal à me suivre, je t'invite à lire ce très bon article en français :
http://desjeuxpourmanger.tumblr.com/post/72562023889/relation-presse-et-gestion-de-communaute-pour-un#n
Ne sachant pas si tout le monde aura le courage de cliquer sur le lien, voici un extrait :
"Une croyance tenace de ceux qui souhaitent se lancer dans le jeu indé, c'est qu'un bon jeu fait parler de lui tout seul et qu'il suffit de compter sur le bouche à oreille. Si vous pensez avoir de l'or entre les mains, que votre projet explose littéralement la concurrence dans son concept et que votre direction artistique impose une personnalité hyper construite et juicy à votre travail, alors certes vous pourrez peut-être vous passer de relation presse et de gestion de communauté, et peut-être votre jeu fera parler de lui tout seul. Des projets comme cela il en existe en gros une poignée chaque année à l’échelle du monde entier, qui sont en général le produit de gens déjà reconnus et déjà suivis par des communautés et par la presse… Alors lorsqu'on travaille sur son premier jeu sans que quiconque ne nous connaisse, s'épargner un plan média et des efforts de community management c'est maximiser au possible les chances d’échec, même lorsqu'on réalise un truc de fou."
d'autant que beaucoup de jeux d'aventure sont pas tellement "palpitants" et dynamiques (même si effectivement c'est pas forcément l'objectif recherché par tous les joueurs)
En effet, un jeu d'aventure ce n'est pas vraiment palpitant et dynamique par définition. Les gens que l'on trouve sur les forums de jeux d'aventure sont d'ailleurs contents de trouver des énigmes retorses et très peu d'action. Ce qu'ils cherchent avant tout, ce sont de bons scénarios, des univers travaillés, et des puzzles à la hauteur de leurs neurones. A ne pas confondre avec les jeux d'action-aventure comme les Zelda, qui eux sont souvent appelés à tort des jeux d'aventure.