La pause syndicale est obligatoire, même pour les héros de jeu vidéo ! Pourtant, ils n'ont pas de machine à café où se retrouver... Comment meublent-ils le temps entre deux clics ? Une enquête exclusive de l'Atelier Sentô.
Quand on crée un nouveau personnage dans un moteur de jeu, on se retrouve avec plusieurs champs à remplir d'office :
Ce sont les animations de base, susceptibles d'être utilisées dans toutes les scènes qui composent le jeu. Elles seront lancées automatiquement : par exemple, quand le joueur clique sur un point du décor, le jeu lancera l'animation walk. Et s'il y a dialogue, le jeu lancera l'animation talk. Tout cela sans que le développeur n'ait à s'en préoccuper, ce qui économise beaucoup de temps.
Sur ces 4 animations de base, 2 sont optionnelles : run et talk. Dans The Coral Cave, Mizuka ne court pas et il existe des jeux sans dialogue (comme Machinarium). Donc pour créer un point-and-click, seuls sont indispensables, idle et walk. Le second est évident et on commence souvent par créer une belle animation de marche pour son personnage. Le rôle de idle peut sembler un peu flou mais il n'est pas moins important : c'est ce que fait le personnage... quand il ne fait rien ! Par défaut, c'est une simple image fixe en position debout, dans les différentes directions (face, profil, 3/4, …) :
Un point-and-click demande de la réflexion et le joueur laisse souvent le personnage dans un coin, le temps de trouver comment résoudre telle ou telle énigme. L'animation idle joue alors un rôle capital pour donner vie au personnage dans ces périodes d'attente.
La manière la plus discrète consiste à le faire respirer. C'est une animation qui fonctionne bien quand elle est subtile et qui est donc plus simple à réaliser sur le principe de l'animation Flash comme par exemple dans Broken Age :
Avec cette technique, plutôt que de redessiner plusieurs fois le personnage pour l'animer, on dessine séparément ses membres puis on les assemble à la manière d'une marionnette en papier découpé. On peut alors créer toutes sortes d'animations : par exemple, la marche en faisant pivoter les jambes. C'est donc la technique idéale pour créer une animation idle subtile : on dilate le torse, on balance les bras et voilà, on a l'impression que le personnage respire, qu'il est vivant.
Mais quand, comme nous, on dessine chaque pose séparément, ce genre d'animation subtile est difficile à réaliser. C'est pourquoi, dans The Coral Cave, on a cherché une autre solution pour Mizuka, notre héroïne. Après plusieurs tests, nous avons choisi une animation en 2 temps : elle cligne des yeux à intervalles plus ou moins régulier. Et de temps en temps, elle tourne la tête pour regarder autour d'elle.
Il faut se rappeler que Mizuka est dessinée sous 8 directions (face, dos, deux profils et quatre 3/4), cela fait un grand nombre d'animations et il faut se montrer économes aussi bien en travail qu'en utilisation de la mémoire de l'ordinateur : on ne va pas redessiner tout le corps si ce n'est pas nécessaire. C'est donc avant tout par économie (et non par cruauté) qu'on a décidé de lui couper la tête et de lui enlever les yeux.
Une fois recomposée dans le logiciel, Frankenzuka peut cligner des yeux et tourner la tête indépendamment du reste de son corps. Et comme on a réutilisé autant que possible les têtes des autres directions, on obtient une animation légère et discrète qui suffit à donner de la vie au personnage dans les moments d'inaction.
Reste un dernier cas de figure, la super animation idle : une sorte d'animation bonus qui ne se lance que quand le personnage reste immobile sur une longue période. Les point-and-click s'amusent souvent à briser le 4ème mur et cette animation est l'occasion pour le personnage de faire sentir qu'il commence à s'ennuyer et que ce serait bien de se remettre à jouer.
Imaginez par exemple : vous faites une pause pipi et, pendant ce temps, Mizuka s'occupe en faisant des ricochets dans l'eau avec les items les plus précieux de votre inventaire, vous condamnant à ne jamais pouvoir finir le jeu ! Pas mal comme idée, vous ne trouvez pas ?
Une chose est sûre : les personnages de jeu vidéo ont leur vie propre. Qui sait ce qu'ils font quand on a le dos tourné ?
Fil d'actualités
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27/11/240
Sommaire
- Partie 1 - Présentation d'Atelier Sento
- Partie 2 - Premiers pas et prototype
- Partie 3 - Souvenirs d'Okinawa
- Partie 4 - Présentation du moteur Wintermute
- Partie 5 - Gérer les acteurs dans Wintermute
- Partie 6 - Guider le personnage
- Partie 7 - La mise en place des décors
- Hors série - Les jours où ça n'avance pas !
- Partie 8 - L'enregistrement des sons
- Partie 9 - Les énigmes
- Partie 10 - Les musiques
- Partie 11 - Communiquer en s'amusant
- Partie 12 - Un jeu made in tout le monde
- Partie 13 - Dans 60 ans...
- Partie 14 - Le scénario
- Partie 15 - L'intégration des personnages
- Partie 16 - Le regard des joueurs
- Partie 17 - Les variables
- Partie 18 - La traduction anglaise
- Partie 19 - En route pour 2016
- Partie 20 - Un chat pas comme les autres
- Partie 21 - La gestion de l'inventaire
- Partie 22 - La création de cutscenes
- Partie 23 - Faire bêta-tester son jeu
- Partie 24 - Interview de Nick Preston
- Partie 25 - Interview de Thorn
- Partie 26 - Anatomie d'une scène : l'idée de départ
- Partie 27 - Anatomie d'une scène : l'énigme
- Partie 28 - Anatomie d'une scène : le croquis
- Partie 29 - Rencontre avec le studio Ernestine – 1ère partie
- Partie 30 - Rencontre avec le studio Ernestine – 2e partie
- Partie 31 - Du papier à l'écran
- Partie 32 - L'école des fantômes
- Partie 33 - Développer un jeu avec des lycéens
- Partie 34 - Faire connaître son jeu
- Partie 35 - Sur les routes de France
- Partie 36 - Éloge des gribouillis
- Partie 37 - Un jeu dessiné par des enfants
- Partie 38 - La naissance d'un projet
- Partie 39 - Mélanger 2D et 3D
- Partie 40 - Adventure Creator
- Partie 41 - Designer des personnages
- Partie 42 - The Doll Shop
- Partie 43 - Donner de la profondeur
- Partie 44 - Des personnages en kit
Comments
Ha tout séparer en plein de morceaux pour pouvoir animer sans tout refaire à chaque fois, je m'étais essayé à ça sous photoshop, C'est toujours marrant de voir des images fixes prendre vie.
Et la magie vidéoludique opère !
Néanmoins... entre les sourcils et les têtes qui tournent, pourquoi avez-vous séparé les claquettes de miss Mizuka ??
OH. Je viens de m'auto-répondre : il y a au moins une scène où elle est pieds nus ? J'ai bon ? C'est donc par soucis d'économie au deuxième degré ?
Le développeur de jeu, décidément, a la conscience éconologique !
Oui, c'est ça !
Au Japon, on enlève systématiquement ses chaussures à chaque fois qu'on entre dans une maison. Donc il fallait qu'on trouve une solution.
En séparant les sandales on peut facilement créer 2 sets d'animations. Un où elle est chaussée (pour les extérieurs), un où elle est pieds nus (pour les intérieurs).
Il va falloir la surveiller, la petite Mizuka ! Sinon, c'est très réussi, bravo !
C'est sûr qu'elle n'en fait qu'à sa tête !
Merci !
Sympa cette technique !
C'est qu'il faut trouver des idées pour pas trop travailler !
Souvenir agréable de l'animation d'aladdin sur mega drive
Nostalgie, quand tu nous tiens...